March 29, 2024
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Opinion Politique

Le Premier ministre ne serait-il pas bien inspiré de procéder à un remaniement ministériel ?

Depuis qu’il a limogé Ivan Collendavelloo, son adjoint et principal partenaire de l’alliance gouvernementale victo- rieuse des législatives de novembre 2019, le Premier ministre a été contraint de redistribuer les responsabilités ministérielles à deux autres reprises. Dans le sillage de l’enquête judiciaire sur l’affaire Kistnen, Yogida Sawmynaden a été prié de faire ses valises et croyant que l’herbe est plus verte ailleurs, Nando Bodha a soumis sa démission comme chef de la diplomatie mauricienne pour siéger comme député indépendant à l’Assemblée nationale. Pravind Jugnauth n’a pas remanié son Cabinet malgré ses trois départs, préférant allouer les portefeuilles laissés vacants à des membres du gouvernement qu’il juge capables d’assumer et de produire des résultats, dont Steven Obeegadoo, Alan Ganoo et Soodesh Calleechurn, entre autres.

Le 25 juin 2020, devant le refus d’Ivan Collendavelloo de se retirer en raison de son implication alléguée dans l’affaire St Louis, Pravind Jugnauth devait révoquer le leader du Muvman Liberater. Ce dernier perdra son poste de Deputy Prime Minister et sera remplacé par Steven Obeegadoo. Son ministère sera confié à Joe Lesjongard dans le cadre d’un changement de responsabilités. Le député de Stanley-Rose Hill se retrouvera backbencher de la majorité gouvernementale le temps que l’ICAC enquêtera sur ce scandale de pots-de-vin et de corruption. Le 10 février 2021, Yogida Sawmynaden sera invité à se retirer comme ministre du Commerce suivant sa convocation au CCID et les investigations des autorités policières suite au meurtre de Soopramanien Kistnen, agent du MSM de la circonscription No.8. Soodesh Calleechurn, ministre du Travail, des Relations Industrielles et de l’Emploi, sera appelé à le suppléer au Paille-en-Queue Court. Et ce sera au tour d’Alan Ganoo de se voir solliciter pour occuper le portefeuille de ministre des Affaires étrangères quand Nando Bodha décidera de quitter le pouvoir quelques jours plus tôt, toujours en février 2021 au plus fort de la crise qui avait secoué l’Hôtel du gouvernement.

Ces défections auraient dû provoquer un remaniement ministériel, mais Pravind Jugnauth ne devait pas l’entendre de cette oreille puisqu’il réorganisa son équipe en fonction des compétences disponibles pour une redistribution des cartes permettant aux différents ministères de travailler avec à leur tête des politiciens d’expérience qui ont fait leurs preuves sous des précédents régimes. Toutefois, plus les mois passent et plus on se rend compte du volume de travail de certains ministres qui ont plus d’un portefeuille alors que d’autres n’arrivent pas à être à la hauteur, surtout ceux qui sont à leur première expérience à ce niveau et qui manquent de vision et de créativité pour faire progresser le pays dans un secteur clé qui leur a été confié. Il y a des membres du gouvernement qui donnent l’impression de ne pas exister au sein de cette équipe tant ils jouent un rôle effacé et ne prennent aucune initiative pour que leur ministère se fasse remarquer par des actions d’envergure nationale et de notoriété publique de sorte à justifier leur présence et leur existence. Les exemples ne manquent pas. Les ministres qui travaillent dur et qui produisent des résultats ne sont malheureusement pas aussi nombreux. La population a raison de se poser des questions sur ce qui se fait concrètement et sur le moyen et le long terme aux ministères de l’Environnement, de la Pêche, des Sports, de la Fonction publique, pour ne citer que les exemples les plus frappants de manque de projets, d’initiatives, d’activités, de motivation et de vision eu égard aux défis et aux plans d’avenir pour une meilleure île Maurice.

Kavi Ramano a accompagné le Premier ministre à Glasgow pour la COP26. Au-delà des débats et des questions pertinentes sur le changement climatique, nous nous retrouvons ici à la case départ par rapport à l’utilisation du plastique, de la pollution sous toutes ses formes et de l’environnement en général. Sur les routes mauriciennes, les poids lourds et les autobus continuent de polluer sévèrement avec des émissions de dioxyde de carbone les plus nocives. Non seulement cela se passe quotidiennement et en toute impunité, mais les autorités concernées peinent à s’imposer et à faire respecter la loi. Ce qui est encore plus grave est que les citoyens sont laissés à eux-mêmes pour respirer l’air cancéreux du trafic routier sans qu’il y ait une campagne de communication, d’information et de sensibilisation parce qu’il y va de leur santé d’une part et des mesures de contrôle et de répression de l’autre pour que la situation ne se dégrade pas davantage au détriment de la population. De même, en parlant de l’économie bleue, vu la superficie d’eau salée qui entoure notre territoire et sa richesse, que fait le ministère de la Pêche alors que l’utilisation durable des ressources océaniques aurait dû doper notre croissance économique. Le ministère de la Pêche doit regarder au-delà de son traditionnel rôle d’écouter et de résoudre les doléances des pêcheurs.

Pour lubrifier la machine gouvernementale, les députés de la majorité auraient aidé le Premier ministre et leur popularité en étant plus présent sur le terrain et en mettant en exergue les grands projets de développement. En 2021, les infrastructures complétées n’ont pas manqué pour démontrer que le gouvernement ne dort pas sur ses lauriers malgré un contexte économique particulièrement difficile avec la pandémie qui sévit depuis deux ans maintenant. Or, il nous semble qu’il y a une absence de solidarité et d’actions concertées pour vendre le produit fini de l’alliance au pouvoir. Les débats au Parlement sur l’IBA Bill auxquels n’ont pas pris part les Ivan Collendavelloo et autres Gilbert Bablee sont-ils le signe qu’il y a quelque chose qui cloche, sans que cela n’échappe à l’attention des observateurs politiques. Si dans les rangs du gouvernement, il n’y a pas cet engouement et cette motivation pour défendre et soutenir les grandes décisions et les importants projets, peut-être qu’un remaniement ministériel servirait à redonner un nouvel élan pour démarrer la nouvelle année avec une équipe solidaire et digne de se présenter devant l’électorat en 2024 avec des réalisations et un bilan satisfaisant synonyme d’un renouvellement de la confiance populaire.