April 16, 2024
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Opinion Politique

Les défis de l’éducation et l’improbable pari

Programme d’études remis en question, classes connectées, élèves et enseignants démotivés et nivellement par le bas et par-dessus tout, la crainte de la contamination : jamais le milieu de l’éducation n’a été confronté avec de tels enjeux et, surtout, avec des interrogations restées sans réponse. Le recul du secteur éducatif met en péril la formation des générations futures et vient questionner la pertinence de certaines filières enseignées dans le tertiaire, à un moment où des pans entiers de l’économie sont à terre.

Déjà, l’année dernière, en raison du confinement, l’enseignement avait quitté les salles de classe pour basculer dans le virtuel, obligeant l’élève et enseignants à expérimenter l’exercice des cours par l’internet. Personne n’y était préparé, avec pour résultat que des familles entières privées de connexion à l’internet se voyaient exclues de cette nouvelle forme de classe. Personne n’en avait tenu compte, convaincu qu’elle était que l’ile Maurice entière était connectée. Bien entendu, ça a été la première étape de l’exclusion. Puis est venu le renvoi des examens, qui ont démotivé l’ensemble des apprenants. Et toujours indépendamment des responsables de l’éducation. Puis, pour essayer de limiter la casse et le désarroi, il a été question de promouvoir certains élèves, un choix laissé à la direction des collèges.

Conditions

Le gouvernement est convaincu que les conditions sont réunies pour permettre aux classes de reprendre le 14 juin 2021, en s’appuyant sur l’expérience passée. Pour la ministre de l’éducation, plus le temps passe, plus le retard accumulé depuis l’année dernière sera difficile à rattraper pour les jeunes qui ont perdu une ou deux années. Pourtant, en dépit de ces facteurs, le plus difficile est à venir dans un secteur lui aussi logé à l’enseigne des incertitudes. Mais les enjeux dans le secteur éducatif sont encore plus graves, car c’est le système lui-même qui s’en retrouve remis en cause avec les retards accumulés, des examens renvoyés, une remise à niveau qui ne permettra pas à tous les jeunes de retrouver leurs places perdues.

La réforme déjà mise en place dans les écoles et collèges avait déjà quelque peu bouleversé le secteur de l’éducation, mais la pandémie et ses conséquences économiques viennent renverser toutes les autres perspectives. La contraction économique est d’une telle ampleur qu’elle a profondément entamée les promesses d’emploi, de développement et de croissance qui existaient dans des secteurs comme celui des TIC, le Port, les infrastructures publiques ou encore le hub médical. En ce moment même, les instituts de formation en hôtellerie et management ne savent pas que faire des jeunes en formation chez eux, compte tenu de la longue traversée du désert qui se présente déjà dans le tourisme avant que celui-ci connaisse sa dynamique de développement d’avant la pandémie. On peut dès lors s’imaginer la détresse chez ces jeunes pour lesquels le secteur du tourisme offrait des perspectives brillantes.

Formation

À y regarder de près, c’est une filière de formation qui pourrait disparaitre pendant de longues années, car elle risque de ne plus attirer des jeunes qui auront perdu tout espoir de trouver des jobs dans les hôtels. C’est une grosse problématique pour un secteur qui aura besoin de sang neuf à l’horizon de 2024, année qui verrait la fin de la contraction dans le tourisme et le retour de touristes par milliers sur le sol mauricien. Car le secteur a besoin de se réinventer, en développant un tourisme vert et durable. Mais sans une nouvelle génération de jeunes formés, ce défi risque d’être un voeu pieux. D’autant que de nombreux jeunes formés seraient attirés par des postes les bateaux de croisière. L’enjeu est de donner confiance à ces jeunes avec des perspectives de jobs stables et rémunérateurs dans un secteur où Maurice a forgé un véritable savoir-faire.

Tant dans la filière professionnelle qu’académique, la question des débouchés se pose avec une véritable gravité, car l’État n’a plus les moyens de créer des postes par milliers, en raison d’une dette publique qui donne déjà le vertige. Dans l’immédiat, il semble que la formation professionnelle ne préoccupe pas trop nos dirigeants. Or, si la reprise ne touche pas aussi à la construction, ce sont des centaines de jeunes formés à la plomberie et l’électrique, entre autres, qui risquent de se retrouver au chômage. Mais une stagnation dans la construction affectera aussi et en premier lieu maçons et charpentiers. Et on peut penser que la construction ne risque pas, elle aussi, de retrouver ses beaux jours en raison de la contraction de l’économie et ses conséquences sur l’emploi, les salaires et la consommation.

Le gouvernement doit impérativement repenser le système éducatif sous peine de se retrouver avec une armée de jeunes chômeurs et une crise sociale qui ressemblerait à celle des années 70 à Maurice. L’enjeu est d’abord d’adapter ce système à la réalité pandémique qui a imposé depuis 2020 deux nouvelles formes de transmission des savoirs, puis de repenser le contenu pédagogique pour répondre aux nouvelles attentes sur le marché de l’emploi.

CASSAM DHUNNY