November 5, 2024
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Livre de Jean-Louis Payet – Un « Yabécédaire » savoureux !

Il y a les langues française et créole. Et entre les deux, il y a le territoire du « yab », un mélange des deux langues, mais pas que. C’est quoi alors ? Jean-Louis Payet livre les clés de ce mystère dans son « Yabécédaire », édité par l’UDIR.

En quatrième de couverture, il est écrit que « quand vous passez dans le sud de chez nous à Pont-Les-Hauts et que vous vous aventurez au-dessus du Chemin de Ceinture, il ne vous faut que peu de tournants pour accéder au monde enchanté et chantant de la Yabérie. »

De fait, »la yabitude s’accomodant mal de la graphie créole », l’auteur fait parler ses gens « avec des mots écrits un peu comme là-bas-en-France », mais pas vraiment. Ce serait une langue écrite née de l’oral des Réunionnais des Hauts, ou tout simplement un parler capté tel qu’en lui-même. Avec juste pour souci de faire vrai, réel. De coller à cette réalité qui échappe souvent aux linguistes. Voire même aux diglossistes et autres chercheurs qui aiment triturer les langues.

Il aurait été intéressant de savoir ce qu’aurait pensé Michel Beniamino, récemment décédé, et dont la quête des langues l’a longtemps mené dans les îles de la région. Il aurait sûrement pris son téléphone pour dire « Allo » à l’auteur. C’est d’ailleurs par ce familier appel que le livre débute : Un visionnaire du temps de mon arrière- grand-mère lui avait dit qu’un jour on entendrait à Pont-Les-Hauts quelqu’un parler depuis la France, vi rend à vous compte… »

Le yab serait donc la langue des « zorey » ? Pistache donc ! En fait, Jean-Louis Payet ne s’embarrasse pas de faux-semblants, n’enjolive rien. Restituant juste toute la saveur de ce parler pas toujours capté à sa juste valeur dans les livres :

-Mon Dieu, mon garçon, m’a dire à vous : tous mes enfants y vient à la case, l’est gaillard, mi fais plein de gâteaux, mi fais le café, mais mi comprends pas rien dans zot jeu d’la boule !

Vous y êtes un peu, là ? On serait un peu chez Fréderic Dard ou chez San Antonio, et on passerait cette langue sept fois dans sa bouche. Pour bien en mesurer le goût. Allez faire ça vous coméla ! Tout le folklore Réunionnais défile dans ce curieux livre. De la boutique chinoise aux Seniors trop paresseux pour prendre un appel, et tout le monde se retrouve ensuite à la butte du yab.

Un théâtre de boulevard où il ne faudrait surtout pas se méprendre sur le sens du mot cabot. Car, à trop cabotiner, vous risquez gros ! « Le mot désigne avant tout le sexe de l’homme réunionnais. On le chantait autrefois, roulé dans la cendre, tandis que sur la braise,grillaient les chouchoutes… »

L’humour est omniprésent dans les pages de cet ouvrage, à mettre entre toutes les mains bien sûr. Pour prendre le temps de tâter le pouls de nos voisins de l’autre côté de la mer. Un verre de rhum-charrette (pas pleine quand même !), ou une cannette de Dodo à portée de main, ouvrez ce livre et laissez-vous embarquer dans la yaberie  de Jean-Louis Payet. Vous sortirez rieur de ce voyage en terre étrangère, avec cartographie du territoire prête à vous faire tourner la tête.

Jean-François Samlong, éditeur du livre, a dû rire aux larmes quand  il a pris la décision de publier un tel appareil. »Ma bouche y fait de l’eau ».Oui, on salive devant tant de belles trouvailles. Et surtout de mettre à la portée du plus grand nombre  les clés d’une langue où le peuple se reconnaît. Sans virgule, conjugaisons et autres obstacles de la langue française. Et pas de graphie du créole aussi. Cela s’écrit comme bon lui semble, et Jean-Louis Payet a l’air d’y avoir trouvé son bonheur. N’est-ce pas là l’essentiel pour tout auteur ?

Sedley Assonne

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