On dira ce qu’on voudra. Par exemple que l’expression démocratique est en recul à Maurice, que la presse y est bâillonnée ou qu’on vit dans un ‘régime totalitaire’, etc., etc. Pourtant la réalité nous donne autre chose à voir. Hors des deux principaux blocs politiques qui incarnent notre traditionnelle bipolarité politique, d’autres blocs existent et s’expriment sans être peur d’être poursuivis pour sédition ou atteinte à l’unité nationale ou autres trouvailles chères aux dictatures.

C’est que grâce à notre héritage historico-politique, les luttes sociales et politiques qui ont jalonné celui-ci, aucun Mauricien n’est prêt à accepter qu’on lui prive de ses droits de choisir librement ses élus locaux ou nationaux. Qu’on lui file un paquet de liasses ou un plat de biryani ou un cartable pour son gosse, si son opinion est faite, il ne se laissera pas acheter. Certes, il se laisse parfois gagner par l’émotion et reste insensible aux mises en garde des économistes quant aux petits cadeaux électoralistes, mais il a fini par s’habituer à ces pratiques sans trop dévoiler le fond de sa pensée. Les exemples ne manquent pas pour démontrer comment des politiciens aguerris et surs d’eux-mêmes se sont laissés avoir en croyant que l’argent pouvait acheter les votes dans leurs mandants !
Enracinement
S’il y a une crainte qui est de nature à hanter certains politiciens issus de deux principaux blocs c’est bien celle de savoir quel sera le nombre de votes qui pourraient atterrir sur des candidats des autres blocs et dont certains d’entre ces derniers peuvent se vanter d’avoir un certain enracinement dans leur circonscriptions respectives. Lorsqu’on sait que durant les élections générales de 2019, des candidats de l’alliance sortante n’avaient gagné que par une courte tête, les états-majors des deux principales alliances ont raison de craindre que certains candidats appartenant aux nouveaux blocs viennent grignoter suffisamment de voix pour faire basculer les résultats en faveur d’un camp ou d’un autre.
Les grosses cylindrées
Les alliances dites ‘indépendantes’ n’ont rien à perdre, n’ayant que leurs seules convictions à mettre de l’avant tandis que leur farouche volonté d’enrayer les grosses cylindrées peut faire d’elles des cibles privilégiées de la part de celles-ci, les deux tendances confondues. Aussi ne sera-t-il pas surprenant que ces dernières appellent les électeurs à ne pas ‘gaspiller’ leurs votes. Mais qu’à cela ne tienne : il serait bon qu’une partie de l’électorat fasse preuve de liberté de choix et s’éloigne des rhétoriques classiques. Même si certains discours des blocs ‘indépendants’ peuvent paraitre simplistes et naïfs sans considération aucune des contraintes économiques, il arrive que certains de leurs arguments sortent du lot. Et en même temps, il faut se réjouir qu’une alliance comme Linion Moris se consolide avec l’apport des personnalités telles que Patrice Belcourt, Sheila Bunwaree et Satish Boabul. Sheila Bunwaree, universitaire, s’est longtemps fourvoyée au sein du MMM, persuadée que ce parti l’accommoderait. Pourtant, elle a ce profil longtemps recherché en raison de ses idées et de son intégrité. Il faut juste souhaiter que les Mauriciens prêtent attention à leurs propos et fassent preuve de discernement. Bien entendu, ces alliances toutes neuves ne possèdent pas les moyens pharaoniques à l’instar des deux principaux blocs pour organiser leurs activités mais s’ils tiennent des discours porteurs, il n’est pas exclu que cette grosse minorité silencieuse qui en a assez des mêmes figures leur prête un certain intérêt…
Contraintes économiques
Il est évident que l’Alliance du Changement, qui ne cesse d’affirmer qu’elle court vers une victoire inéluctable sera rattrapée par les contraintes économiques dès qu’elle mettra en pratique ses engagements, à savoir l’internet et le transport gratuit pour tout le monde, une année de congés de maternité pour les femmes qui viennent d’accoucher et introduction du ‘Mentrual Leave’, la baisse des prix des médicaments, la fin de la dépréciation de la roupie et retour aux anciens critères de 3 crédits pour l’admission en grade 12 menant au HSC, entre autres. Même si l’Alliance du Changement n’a pas vérifié l’état des caisses publiques, elle a l’obligation de mettre immédiatement en œuvre ces mesures populaires afin de ne voir partir rapidement en fumée tout éventuel état de grâce. Mais avant d’en arriver là, l’alliance de l’opposition parlementaire aura réussi à accoucher aux forceps la solution au ‘cas Parappen’, dont le parti Rezistans ek Alternativ (ReA) souhaitait qu’il obtienne une investiture. Même si toutes les places étaient prises que ce soit au sein de l’alliance sortante ou chez le trio Ramgoolam-Bérenger-Lobine, ces derniers ont compris qu’ils avaient tout à gagner en répondant au souhait du groupe dirigé par Ashok Subron. En ce faisant, le duo Ramgoolam-Bérenger espère museler toute velléité de revendication syndicale de ReA, celui-ci n’aura d’autre choix que de faire preuve de solidarité gouvernementale au cas où l‘Alliance du Changement remporte les élections du 10 novembre prochain. Même si la presse a choisi de rendre publics les ‘macadams’ qui secouent l’alliance dirigée par Pravind Jugnauth, plutôt que ceux qui secouent l’Alliance du Changement, il n’empêche que les deux alliances ont fort à faire pour plaire à tout le monde. On sait que pour calmer les ardeurs et déceptions des un-e-s et des autres, on leur promet divers postes, dont ambassades, directeurs de corps parapublics, présidences de conseils d’administration dont certaines sont nettement mieux rémunérées qu’un salaire de député !